J’avais quatre ans. Quand ma mère allait faire les courses, elle me laissait dans la classe de mon père qui apprenait à lire à des garçons de six ou sept ans. Je restais assis, au premier rang, et je regardais mon père. Il avait à la main une baguette et il écrivait des mots au tableau noir.
Un matin maman m’a laissé à ma place et elle est sortie. A ce moment mon père écrivait au tableau : la maman a puni son garçon qui n’était pas sage. Qu and il a fini d’écrire, j’ai crié :
---Non ! ce n’est pas vrai !
Mon père m’a regardé et a demandé :
---Qu’est-ce que tu dis ?
---Maman ne m’a pas puni. Tu n’as pas bien écrit !
Quand ma mère est revenue, elle m’a trouvé au milieu de quatre maître qui ne t ravaillaient pas dans leurs classes et qui m’écoutaient. Je lisais l’histoire du Petit Poucet. Maman a vite refermé mon livre et m’a emporté da ns ses bras. Elle me demandait de temps en temps : Tu n’as pas mal à la tête? Non, je n’avais pas mal à la tête, mais maman ne me laissait plus dans la classe de mon père.
Je suis né dans une ville du Languedoc. Comme dans toutes les villes du Midi, on y trouve beaucoup de soleil, assez de poussière et deux ou trois monuments romains. Mon père fabriquait des tissus et les vendait. Son atelier était à la sortie de la ville et nous habitions dans une maison commode avec un grand jardin.
C’est là que je suis né et que j’ai passé les premières années de ma vie.
Je dois dire que ma naissance n’a pas porté bonheur à ma famille : le client qui nous devait beaucoup d’argent a disparu ce jour-là. Mon père ne savait pas s’il devait rire de ma naissance ou pleurer pour la disparition de ce client malhonnête.
A partir de ce moment-là, l’atelier n’a plus travaillé aussi bien. Peu à peu les ouvriers sont partis et, deux ans après, il n’est plus resté que mon père, ma mère, notre vieille cuisinière Annou, mon frère Jacques et moi.
C’était fini, nous n’avions plus d’argent.。